Revue de Médecine Interne | 2021

Une observation rare d’halogénide mimant un pyoderma gangrenosum

 
 
 
 
 
 

Abstract


Introduction Les halogenides representent un groupe de dermatoses rares causees par une exposition aux derives iodes ou bromes. La presentation clinique est le plus souvent caracterisee par une eruption acneiforme, urticarienne ou vasculitique. Dans de rares cas, les halogenides peuvent se presenter sous forme de lesions vegetantes. Nous rapportons une observation originale d’halogenide vegetante survenant dans un contexte post-operatoire, mimant un pyoderma gangrenosum (PG). Observation Un homme âge de 60\xa0ans, non tare, nous avait consultes pour une lesion vegetante douloureuse localisee au niveau de l’ombilic, evoluant depuis 1\xa0mois. Le patient rapportait avoir subi une excision chirurgicale d’une fistule entero-ombilicale congenitale six semaines auparavant. Les soins postoperatoires consistaient en une application locale de solution de povidone iodee a 10\xa0% sur la plaie ombilicale, a raison de six fois par jour. Deux semaines apres la chirurgie, une lesion ombilicale douloureuse avait commence a se developper progressivement. L’examen cutane avait revele une plaque hypertrophique vegetante de 10\xa0cm, bien delimitee, surmontee de pustules coalescentes, entouree par un halo inflammatoire. La tomodensitometrie abdominale et l’entero-IRM etaient sans anomalies. Les examens myco-bacteriologiques etaient negatifs. Le diagnostic initial etait celui d’un PG post-operatoire dans sa forme vegetante. L’examen histologique a par la suite redresse le diagnostic en revelant une hyperkeratose orthokeratosique, et une hyperplasie pseudo-epitheliomateuse de l’epiderme avec des abces intraepidermiques remplis de neutrophiles et d’eosinophiles. Il s’y associait un œdeme du derme papillaire et un infiltrat inflammatoire dermique diffus neutrophilique et eosinophilique. L’immunofluorescence directe etait negative. Le taux d’iode urinaire etait eleve a 311\xa0μg/l. Le diagnostic d’halogenide iodee etait ainsi retenu sur la base des donnees cliniques, biologiques et histologiques. Le bilan thyroidien etait sans anomalies. L’utilisation de la povidone iodee a ete arretee et le patient a ete mis sous corticotherapie generale (prednisolone 1\xa0mg/kg/jour) pendant 1\xa0semaine. Une nette amelioration a ete notee apres 10\xa0jours et une disparition complete de la lesion apres 5\xa0semaines. Conclusion La classe des halogenes comprend le brome, l’iode, et le fluor mais seuls les reactions cutanees liees a l’exposition au brome et a l’iode font reellement partie des halogenides et semblent tres rares actuellement. La physiopathogenie des halogenides iodees est encore inconnue. L’hypothese d’une reaction d’hypersensibilite retardee a ete evoquee. L’accumulation systemique de l’iode semble etre un facteur important. La cause peut etre medicamenteuse (amiodarone, certains antitussifs, complements alimentaires contenant de l’iodure…) ou peut etre secondaire a l’iode radioactif utilise dans le traitement de l’hyperthyroidie, ou aux produits de contraste iodes administres lors d’explorations radiologiques. Dans notre cas, l’etiologie etait l’application frequente de la povidone iodee sur la plaie ombilicale, responsable d’une absorption percutanee importante d’iode. Les formes vegetantes d’halogenides se voient au niveau des plis, y compris l’ombilic. L’aspect vegetant peut faire evoquer plusieurs diagnostics\xa0: pemphigus vegetant, mycose profonde, maladie de Crohn, dermatoses neutrophiliques, pyodermite vegetante… Dans notre cas, le diagnostic de PG vegetant etait initialement evoque devant le contexte post-operatoire (phenomene pathergique). Le diagnostic positif d’halogenide est retenu sur la base de donnees cliniques et histologiques compatibles, associees a un contexte d’exposition a l’iode. L’elevation du taux serique et/ou urinaire de l’iode est un argument en faveur du diagnostic. Une dysthyroidie par surcharge iodee doit etre recherchee. Le traitement n’est pas codifie. Dans les formes mineures, l’arret de l’agent causal peut etre suffisant, avec un risque de recidive en cas de reexposition. Dans les formes vegetantes, une courte corticotherapie generale est generalement necessaire.

Volume 42
Pages None
DOI 10.1016/J.REVMED.2021.03.217
Language English
Journal Revue de Médecine Interne

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