Revue D Epidemiologie et De Sante Publique | 2021

Un modèle de micro-simulation à événements discrets pour estimer les impacts de l’épidémie de COVID-19 sur l’organisation des soins et la mortalité par cancer

 
 
 
 
 
 
 
 

Abstract


\n Introduction\n L’épidémie de COVID-19\xa0a bouleversé l’organisation des établissements de santé à travers la modification des flux de patients, la limitation des ressources médicales disponibles et la nécessité d’adapter les parcours de soins. Ce travail vise à quantifier ce potentiel impact sur les délais de diagnostic et de traitement, la saturation des ressources hospitalières et in fine la mortalité des patients atteints de cancer.\n \n Méthodes\n Les modèles de simulation à évènements discrets (DES) ont pour principe la modélisation d’entités qui empruntent diverses trajectoires sur lesquelles elles consomment des ressources en fonction de leurs caractéristiques. Afin de modéliser l’activité hospitalière, un DES a été développé pour modéliser la prise en charge des patients et l’utilisation de ressources hospitalières (volumes horaires des blocs chirurgicaux, radiothérapie, chimiothérapie, …) en fonction du type de cancer. Les flux patients ont été simulés à partir de données individuelles anonymisées issues du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) de Gustave-Roussy. Les données historiques du PMSI de janvier 2018\xa0à février 2020\xa0ont permis la modélisation en séries temporelles (modèle ARIMA) des flux patients en l’absence de perturbation épidémique. La différence de ces flux avec les flux observés entre mars et octobre 2020\xa0a informé le modèle sur les patients absents, pour lesquels deux scénarios de retour ont été envisagés\xa0: un retour massif à partir de novembre 2020 (retour rapide), ou un retour plus tardif à partir de mars 2021 (retour tardif). Le modèle DES prenant en compte ces flux simulés et la disponibilité attendue des ressources hospitalières a permis le calcul de retards individuels à la prise en charge. Le sur-risque de décès associé au retard de prise en charge par type de cancer, issu de la littérature, a été utilisé pour évaluer la surmortalité par cancer à cinq ans pour tous les patients se présentant à l’hôpital entre le début du premier confinement (mi-mars 2020), et la date à laquelle l’utilisation des ressources hospitalières reviendrait à son niveau habituel. Une analyse de sensibilité sur le taux d’utilisation réel des ressources hospitalières a été conduite.\n \n Résultats\n Le retour à une activité normale (absence de retards dans la venue des patients et dans l’utilisation des ressources) est prévu pour mai 2022\xa0dans le scénario de retour rapide et pour juin 2022\xa0dans le scénario de retour tardif (n∼13\xa0000\xa0patients)\xa0; 6\xa0à 8\xa0% des patients présentent un retard à la prise en charge supérieur à deux mois. Le nombre de décès supplémentaires à cinq ans est estimé à 88\xa0pour le retour rapide, et à 145\xa0pour le retour tardif, avec un impact accru pour les sarcomes, les cancers gynécologiques, les leucémies aiguës, les cancers ORL, du sein et du foie. Cela représente une surmortalité à cinq ans de 4\xa0à 6,8\xa0% chez les patients initialement attendus à l’hôpital en 2020, de 0,5\xa0à 1,3\xa0% pour ceux de 2021\xa0et de 0,5\xa0% pour ceux de 2022. Les analyses de sensibilité ont montré que des perturbations sur la disponibilité des ressources pouvaient entraîner une nouvelle hausse de cette surmortalité, de l’ordre de 2\xa0à 18\xa0%.\n \n Conclusion\n Les délais de diagnostic et de traitement des patients atteints de cancer pendant l’épidémie de COVID-19\xa0ont un impact sur la survie des patients. Cet impact important nécessite d’organiser les soins de sorte que les diagnostics et les traitements des cancers restent accessibles et ne soient pas retardés lors de prochains épisodes épidémiques.\n

Volume 69
Pages S8 - S8
DOI 10.1016/j.respe.2021.04.008
Language English
Journal Revue D Epidemiologie et De Sante Publique

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