Revue de Médecine Interne | 2019
Uvéites médicamenteuses à l’ère des inhibiteurs de check-point immunitaires
Abstract
Introduction La prevalence des uveites varient entre 25\xa0et 52\xa0cas par 100\xa0000\xa0personne-annees en fonction des populations etudiees. La morbidite associee aux uveites est importante avec une baisse de l’acuite visuelle dans 35\xa0a 40\xa0% des cas et jusqu’a 20\xa0% de cecite. La frequence des uveites dans la population adulte entre 30–50\xa0ans et le risque de perte de vision a long terme de 20\xa0% alourdissent la morbidite de cette pathologie. Les uveites medicamenteuses representent une cause rare d’uveite (0,3\xa0a 0,5\xa0% des cas) comparativement aux causes infectieuses et systemiques. Cependant, avec le developpement permanent de nouvelles therapeutiques et notamment des inhibiteurs de check-point immunitaires, il s’agit d’une etiologie en constante evolution. La physiopathologie reste a ce jour peu connue avec des mecanismes evoques differents en fonction des medicaments inducteurs. Objectifs Identifier les medicaments inducteurs d’uveites, caracteriser le phenotype des patients en fonction des classes therapeutiques et evaluer le pronostic fonctionnel. Materiels et methodes Etude observationnelle retrospective avec des donnees issues de la base internationale de pharmacovigilance de l’OMS, Vigibase. L’ensemble des cas rapportes comportant le terme MedDRA «\xa0uveitis\xa0» entre 1967 (date de debut de la base) et le 28/04/2019\xa0ont ete identifies. Apres retrait des traitements presentant un biais protopathique et/ou un biais d’indication, une analyse de disproportionnalite bayesienne a permis d’identifier les medicaments inducteurs selon un modele d’etude expose/non-expose. L’association entre effet indesirable et medicament est calculee par l’information component (IC) lorsque l’ensemble de la base de donnees est utilise comme comparateur. La borne inferieure de l’intervalle de confiance a 95\xa0% de l’IC, IC025, est significative si positive. Resultats Nous avons identifie un total de 674\xa0medicaments rapportes avec uveite comme effet indesirable medicamenteux. Apres analyse et retrait des traitements avec un biais potentiel, 40\xa0medicaments presentaient un IC025\xa0positif et donc une association significative pour un total de 1417\xa0cas individuels rapportes. L’âge median etait de 57 [42–68]\xa0ans, 45,7\xa0% des patients etaient des hommes (n\xa0=\xa0587/1,285). La mortalite globale rapportee etait de 1,8\xa0% avec une morbidite par perte de vision severe de 12,1\xa0%. Parmi l’ensemble des medicaments inducteurs identifies, 5\xa0classes therapeutiques regroupaient la majorite des cas rapportes\xa0: les biphosphonates (n\xa0=\xa0377), les traitements anti-infectieux (n\xa0=\xa0356), les traitements oncologiques (n\xa0=\xa0217), les inhibiteurs de check-point immunitaire (ICI) (n\xa0=\xa0212) et les antiviraux (n\xa0=\xa0156). Le phenotype des patients de chaque groupe variait en termes d’âge median, de sex-ratio, de delai de survenue et d’atteintes ophtalmologiques associees. Les uveites induites sous ICI etaient associees majoritairement a un traitement par anti-programme cell death 1 (nivolumab ou pembrolizumab) indique pour le traitement d’un melanome. Le delai median de survenue apres la premiere injection etait de 76 [28–169] jours. Au sein de ce groupe, un phenotype particulier a ete identifie avec 6\xa0cas de syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada. Conclusion Les uveites medicamenteuses sont un effet secondaire rare mais comportant un risque de perte de vision important. Le spectre des medicaments inducteurs est en evolution constante. Les ICI sont devenus un pourvoyeur important d’uveite ainsi que les inhibiteurs de proteine kinase. La surveillance ophtalmologique prolongee des patients sous traitement anticancereux est indispensable.