Annales. Histoire, Sciences Sociales | 2019

Jacques Dalarun. François d’Assise en questions. Paris, CNRS Éditions, 2016, 458 p.

 

Abstract


mier d’entre eux,François, rencontré àDamiette. Il expédie d’ailleurs la vaine tentative de conversion du sultan al-Kāmil en deux phrases dans la lettre 6 et en supprime même la mention dans la copie envoyée au pape. C’est en sa qualité d’évêque d’Acre que Jacques est présent en Égypte lors de la cinquième croisade. Nommé à la fin de l’année 1215 par Innocent III, il arrive dans la capitale du second royaume de Jérusalem en novembre 1216. Les trois chapitres de la biographie consacrés aux années proche-orientales se concentrent sur deux thématiques : le rapport avec les musulmans et la cinquième croisade. Fondée pour l’essentiel sur l’Historia orientalis, queDonnadieu connaît bien pour l’avoir traduite et éditée 2, et sur les lettres envoyées par Jacques à ses correspondants occidentaux, l’analyse du discours sur les musulmans met à juste titre deux phénomènes en évidence : d’une part, l’évolutionde Jacques sousunedouble influence, celle conjoncturelle de la défaite de la cinquième croisade (1221) et celle, plus structurelle, du primat de l’expérience sur les a priori issus de la culture savante et de la littérature polémique ; d’autre part, la différence des discours selon les contextes textuels – sermons, Histoire, lettres – et les points de vue – préoccupations pastorales ou croisées. Il faut noter au passage que ces deux phénomènes pèsent également sur les discours sur les chrétiens d’Orient et qu’il eût donc été profitable de confronter les constructions des altérités musulmane et chrétienne afin de mieux débusquer l’évêque au travail. Plus que les sermons sur les années de l’enfance, les lettres et l’Historia orientalis sont en effet riches de renseignements sur les relations quotidiennes de l’évêque avec les chrétiens melkites et orientaux présents à Acre et dans le royaume. Elles permettent de creuser le sillon de l’importance de l’expérience dans la mise en œuvre d’une politique en définitive assez pragmatique vis-à-vis des fidèles des autres Églises. Toutefois, la perspective du livre – une biographie de Jacques de Vitry au prisme de ses écrits – entrave une analyse globale de la diversité intrinsèque de la société proche-orientale, qui est vue ici uniquement à travers le témoignage d’un évêque latin fortement impliqué dans la cinquième croisade comme dans sa tâche pastorale. Au total, outre leplaisir de la lecture, cettebiographie procure au lecteur une série d’indices convergents pour mieux situer l’évêque d’Acre dans les débats de son temps. Néanmoins, en dépit d’un réel effort de contextualisation, la focalisation inhérente à ce genre d’entreprise, conjuguée à l’empathie de l’auteur pour son sujet, ne permettent que partiellement de prendre la mesure de la complexité du temps et de la société dans laquelle Jacques évolua. Le livre de Donnadieu fourmille de noms, de mentions, de détails qui auraient mérité, comme l’auteur le reconnaît lui-même à l’occasion, une analyse qualitative des réseaux dans lesquels Jacques est pris et qu’il construit. Ce pas de côté aurait permis, en décentrant l’analyse de la figure de l’évêque, d’approcher la diversité des acteurs d’une période charnière, autant en Occident qu’en Orient. En ne faisant que le suggérer, Donnadieu invite néanmoins ses lecteurs à poursuivre le travail entrepris; ce n’est pas là la moindre de ses qualités.

Volume 74
Pages 195 - 198
DOI 10.1017/ahss.2019.174
Language English
Journal Annales. Histoire, Sciences Sociales

Full Text