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L’illusion du caractère exceptionnel de la laïcité française

 

Abstract


Il n’est pas rare de lire ou d’entendre en France que la laicite francaise revet un caractere exceptionnel. Pourtant, l’observation tant du cas francais que de differents cas internationaux laisse apparaitre une diversite d’approches invitant plus a parler «\xa0des laicites\xa0» que de «\xa0la laicite\xa0». Prenant pour hypothese que le terme «\xa0exceptionnel\xa0» traduirait pour ses utilisateurs l’idee d’une organisation singuliere, unique en son genre tant dans le temps que dans l’espace, cet article propose une argumentation deconstruisant ces deux aspects. Il met d’abord en lumiere que la laicite n’est pas immuable dans le temps. Pour ce faire, il evoque la diversite des approches de la laicite qui ont coexiste ou se sont succede en France du XIXe siecle a nos jours. Ensuite, il deconstruit a son tour l’idee d’une singularite spatiale. Il commence par demontrer que la laicite francaise n’est pas singuliere sur son propre territoire, puisque huit formes encadrees par le droit y sont actuellement en vigueur simultanement. Il survole ensuite diverses organisations de par le monde, de l’Europe a l’Asie en passant par l’Amerique du Nord. Ces differents cas mettent en evidence que les questions de gestion des relations entre le politique et le religieux se sont posees et se posent toujours dans bien des pays, sous des formes constitutionnelles ou non, et ce, parfois bien avant la France. La diversite des options locales retenues met en evidence que l’interpretation des quatre principes proposes par Milot pour decrire la laicite (2008) (egalite, liberte de conscience, neutralite et separation) differe d’un pays a l’autre, de sorte que toutes les approches sont historicisees et specifiques, et correspondent a l’un ou plusieurs des idealtypes composant la typologie des regimes de laicite etablie par Milot. Ces applications locales apparaissent moins constituer des exceptions que des variantes. Elles s’inscrivent toutes dans les attentes du droit international suppose respecte par les pratiques des pays democratiques en matiere d’egalite de droit et de liberte de conscience. Cet article est egalement l’occasion de faire quelques rappels theoriques. Il distingue d’abord les processus de laicisation et de secularisation. Cette distinction permet de mieux saisir les differences entre, d’une part, les pays laiques, c est-a-dire sans religion etablie et/ou avec une separation officielle entre l’Eglise et l’Etat et, d’autre part, les pays mobilisant une «\xa0laicite de fait\xa0» dans lesquels les institutions se sont secularisees, bien qu’il existe toujours une Eglise reconnue. L’article developpe enfin une distinction entre sphere publique et espace public, qui permet de mieux comprendre la portee reelle de la laicite et de saisir en quoi les attentes d’occultation du religieux contreviennent le plus souvent au cadre legal et decoulent surtout d’une envie de secularisation.

Volume None
Pages None
DOI 10.35562/RIF.1300
Language English
Journal None

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