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Le temps de la mobilisation est (re)venu

 
 

Abstract


Fin 2018, le Conseil fédéral a pris la décision de supprimer les trois commissions fédérales traitant d’addiction, à savoir de drogues, de tabac et d’alcool. Après avoir refusé d’en créer une sur les jeux d’argent, il choisit de tout fusionner dans le cadre d’une unique «Commission fédérale pour les questions liées à l’addiction et pour la prévention des maladies non transmissibles». Erreur funeste, à plus d’un titre, mais qui doit sonner le réveil chez les professionnels du domaine. Erreur d’appréciation d’abord, car le Conseil fédéral confond stratégie à long terme et pragmatisme à court terme. Avec raison, nous avons adopté en 2017 une nouvelle «Stratégie addiction», pour traiter ces questions de manière coordonnée. L’alcool, l’héroïne et le cannabis ne sont pas devenus les mêmes produits pour autant. Ils demandent chacun des réflexions spécifiques, selon leur dangerosité, leur ancrage social, leur poids économique et culturel. Si, à long terme, l’objectif est de dis poser d’une véritable politique des addictions, il faut reconnaître que les problèmes restent encore très différents sur le terrain. Le tabac fumé tue, alors que l’alcool produit d’innombrables difficultés personnelles et sociales et que la prohibition des drogues amène une foule d’autres problèmes, entre stigmatisation et punition. Chaque marché et chaque produit a ses enjeux propres: se débarrasser de la combustion pour la nicotine, réduire les risques de produits dangereux confiés aux mafias pour les drogues et encadrer au mieux la consommation pour l’alcool. Vouloir gommer ces différences sous prétexte qu’il s’agit à chaque fois de produits psychotropes ne peut nous aider à avancer adéquatement. Mais il y a plus grave. Avide de synergies et d’économies, le Conseil fédéral propose d’arrimer les addictions aux maladies non transmissibles (MNT). Les liens de causalité entre consommation de psychotropes et maladies (cancers, AVC, etc.) l’incitent à faire glisser le tout dans une même problématique sanitaire. A vouloir trop prendre de hauteur, la finesse de la réalité et le sens des actions se perd. Il est louable de jeter des ponts et d’insuffler l’interdisciplinarité des addictions dans le domaine des MNT. Mais parle-t-on vraiment de la même chose? Alors que les MNT pèsent de tout leur poids sur les coûts de la santé, les addictions plombent elles notre vie en communauté. Si, pour traiter ces dernières, il s’agit bien d’une réponse sanitaire classique, les politiques en matière d’addiction relèvent elles d’une autre logique, celle du travail en réseau et de l’approche communautaire. La gestion des MNT doit, bien entendu, aller elle aussi au-delà du médico-sanitaire. Alimentation, mouvement, équité, travail, représentent des enjeux majeurs que nous devrons bien un jour considérer sous l’angle de la promotion de la santé. Aujourd’hui, nous en sommes encore loin et la prévention ne constitue qu’une part mineure des actions en la matière.

Volume 100
Pages 348-349
DOI 10.4414/SAEZ.2019.17567
Language English
Journal None

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