AA PROPOS DES NOMBRES DE CONWAY :LETTRE À UN AMI
LABIB HADDAD
À la mémoire de John Horton Conway, 1937-2020
Cher Ami,Tu m’écris ceci.
C’est la première fois que j’entends parler des nombres de Conway.Pourrais-tu m’expliquer de quoi il s’agit, s’il te plaît ? J’ai lu deux outrois textes à ce sujet mais je n’y ai pas compris grand chose. Je crainsd’avoir perdu un peu le contact avec les mathématiques de notre temps !
Rassure-toi, il n’en est rien !Sache qu’il existe plusieurs manières différentes, mais équivalentes,pour introduire les nombres de Conway. Elles sont plus ou moins claires,plus ou moins adroites. Certaines peuvent être un peu absconses et (parcoquetterie) deviennent lapidaires, aux dépends de la clarté. Pour mapart, je pense que la redondance est nécessaire à la compréhension. Larépétition est un bon outil pédagogique. La concision est un luxe quel’on peut se payer seulement lorsque l’on a déjà compris ...{ (cid:35)
Il y a deux récits de la création dans la Genèse et quatre évangilesdans la Bible !}La manière de
Conway lui-même m’a semblé assez difficile à suivre.Elle se veut concise et ramassée ! Cela n’en facilite pas la compréhen-sion. Cependant, certains la vante jusqu’au dithyrambe !Une digression avant d’en venir à l’essentiel.
Henri Cartan , tu t’en souviens, nous apprenait, directement oupar l’exemple, ceci. Lorsque l’on a démontré un énoncé donné et vérifiéson exactitude, il reste deux choses à faire. Se demander si l’on n’apas, en fait, démontré davantage que l’énoncé lui-même (ce qui arriveparfois) puis voir si l’on ne peut pas simplifier cette démonstration et, a r X i v : . [ m a t h . HO ] J a n Labib Haddad ce faisant, l’étendre, plus avant. Quant à
Gustave Choquet , il nousexpliquait qu’en matière de généralistion, il faut savoir garder la bonnedistance, la bonne mesure, ni trop, ni trop peu ! Partant d’un cas précis,si l’on généralise trop, on se perd dans des banalités, si pas assez, onperd du recul !Je vais essayer de te faire une présentation des nombres de Conway, à ma manière , qui (à mon avis) satisfait les exigences de rigueur et desimplicité.
Rappel.
Pour éviter les paradoxes de la théorie naissante des en-sembles érigée par
Cantor , on a usé de diverses axiomatisations. Tuconnais celle de
Zermelo et Fraenkel . Il en est une, décrite en ap-pendice dans le livre de Topologie générale de
Kelley où il préciseque c’est une variante des systèmes de
Skolem et de
A.P. Morse .Au côté des ensembles proprement dit, il y a les classes que l’on dé-signe ainsi sous forme de classificateurs, { x : ϕ ( x ) } , ce qui se lit commesuit : la classe des objets x qui vérifient la condition ϕ ( x ) . Un ensembleest une classe, mais il y a des classes qui ne sont pas des ensembles ! Jene vais pas m’étendre davantage là-dessus, tu as saisis, j’en suis sûr.Chez Bourbaki , un ensemble est défini par une relation collectivi-sante. Si la relation n’est pas collectivisante elle définit une classe quin’est pas un ensemble. Dans la théorie des ensembles, à la Bourbaki , les nombres ordinaux , , , , . . . , ω, ω + 1 , . . . , ω , ω , . . . , ayant étédéfini, on montre qu’ils ne forment pas un ensemble car cela introduiraitune contradiction : on parle ainsi de la classe des nombres ordinaux etpas de leur ensemble. Bien entendu, les ordinaux inférieurs à un ordinaldonné α si grand soit-il forment bien un ensemble ; l’ensemble [0 , α [ estun segment initial de la classe des ordinaux !Il en va de même des nombres de Conway : il s’agit d’une classe , et pasd’un ensemble, une classe munie d’une structure de corps ordonné ,le plus grand possible, en un certain sens ! On définit ces nombres parrécurrence. A chaque étape de la récurrence, on a bien un ensemble denombres de Conway, mais ils ne forment qu’un segment de la totalité !Dans ma présentation, en place de l’expression «nombres de Conway»,je dirai plus simplement, et brièvement, les nombres . Je parlerai ainsi des nombres puis de leurs noms . ombres de Conway 3 On aura besoin des préliminaires suivants.
Coupures.
Les coupures de Dedekind sont un outil bien connu quisert à construire le corps R des nombres réels à partir du corps Q des nombres rationnels. On les trouvent dans la plupart des manuelsd’analyse.En voici une généralisation au cas des ensembles totalement ordonnésquelconques.Soit E un ensemble muni d’une relation (cid:54) d’ordre total. Cela veut direque (cid:54) est une relation binaire sur l’ensemble E : une relation qui estréflexive, transitive, antisymétrique et totale. Autrement dit, quels quesoient les éléments x, y, z, de E , on a les propriétés suivantes : x (cid:54) xx (cid:54) y et y (cid:54) z = ⇒ x (cid:54) zx (cid:54) y et y (cid:54) x = ⇒ x = y on a toujours x (cid:54) y ou y (cid:54) x , l’un ou l’autre ou les deux à la fois.[Il s’agit du ou inclusif pas du ou exclusif.]On écrit x < y lorsque l’on a ( x (cid:54) y et x (cid:54) = y ). On dit que < est l’ordre strict associé à l’ordre (cid:54) .Bien entendu, y (cid:62) x est synonyme de x (cid:54) y . De même, y > x estsynonyme de x < y .On appelle coupure dans E , tout couple ( A | B ) où A et B sont desparties de l’ensemble E telles que, pour tous a ∈ A et b ∈ B , on ait a (cid:54) b et telles que l’on ait A ∩ B = ∅ , A ∪ B = E. Ordre total sur l’ensemble des coupures.
L’ensemble C ( E ) descoupures dans E est muni, d’une manière naturelle, d’une relationd’ordre totale comme suit. Etant données ( A | B ) et ( C | D ) , deux cou-pures dans E , on écrit ( A | B ) (cid:54) ( C | D ) lorsque l’on a A ⊂ C . On vérifie[il faut le faire soi-même] que c’est bien une relation d’ordre totale surl’ensemble C ( E ) . Amalgame.
Soit alors A = E ∪ C ( E ) , la réunion de l’ensemble to-talement ordonné E et de l’ensemble totalement ordonné C ( E ) des Labib Haddad coupures dans E . Soient x ∈ E et c = ( A | B ) ∈ C ( E ) ; il n’y a quedeux possiblités pour x : ou bien x appartient à la partie A , ou bien x appartient à la partie B car ( A | B ) est une coupure. Si x ∈ A , on écrit x (cid:54) c et si x ∈ B , on écrit c (cid:54) x .On a ainsi trois relation binaires désignées par (cid:54) : l’une sur E , uneautre sur C ( E ) et une troisième entre les éléments de l’un et l’autreensemble. En les combinant toutes les trois, on obtient une relationd’ordre totale sur l’ensemble A = E ∪ C ( E ) comme on peut le vérifiersimplement, pas à pas. [Il faut le faire soi-même !] Pour ainsi dire, ona un amalgame des deux ensembles totalement ordonnés, E et C ( E ) .Pour l’ordre strict associé, on a ( A | B ) < ( C | D ) si et seulement si l’ona A ⊂ C et C (cid:114) A (cid:54) = ∅ .{ (cid:35) On verra, plus loin, comment la construction de la classe desnombres de
Conway est une simple répétition de ce procédé d’amal-gamation ! Tu remarqueras que j’utilise un vocabulaire qui n’est pastoujours celui des usages courants. Ne t’inquiète pas, cela restera entrenous}
Abréviations.
Soient X et Y deux parties quelconques d’un ensembletotalement ordonné et soit z un des éléments de cet ensemble. Lorsquel’on a x < z pour chaque x ∈ X , on écrit X < z , pour abréger. Demême, z < Y est une abréviation de ( z < y pour chaque y ∈ Y ). Onécrit X < Y pour dire que, pour tout x ∈ X et tout y ∈ Y , on a x < y .De même, on écrira X (cid:54) Y lorsque l’on a x (cid:54) y , pour tout x ∈ X ettout y ∈ Y .En particulier, lorsque z = ( X | Y ) est une coupure dans E , il est clairque l’a on X < z < Y , dans l’amalgame A = E ∪ C ( E ) . Corps ordonnés.
Par définition, un corps ordonné est un corpscommutatif K muni d’une relation d’ordre total , (cid:54) , compatible avecla structure de corps. Ce qui veut dire que, pour tous éléments x, y, z, de K , on a : x (cid:54) y = ⇒ x + z (cid:54) y + zx (cid:62) et y (cid:62) ⇒ xy (cid:62) . Parmi les corps ordonnés, on en distingue certains que
Bourbaki nomme les corps ordonnés maximaux et que l’on appelle aussi,couramment, les corps réellement clos . L’exemple type de corps ombres de Conway 5 ordonné maximal est le corps R des nombres réels. La théorie bienconnue des corps ordonnés maximaux dit, en particulier, que tout corpsordonné se plonge (se prolonge) en un corps ordonné maximal. C’estainsi que le corps ordonné des nombres rationnels Q est plongé dans lesous-corps réellement clos de R formé des nombres algèbriques réels. Notations, conventions, extensions
Intervalles.
On distingue, en particulier, deux types d’intervalles :l’intervalle fermé [ x, y ] et l’intervalle ouvert ] x, y [ . Par définition, l’in-tervalle ouvert ] x, y [ est l’ensemble des éléments z tels que x < z < y .L’intervalle fermé [ x, y ] est l’ensemble des éléments z tels que x (cid:54) z (cid:54) y .Le premier est contenu dans le second. Ils peuvent être vides ! et , parexemple, l’intervalle [ x, y ] l’est si et seulement si l’on a y < x . Ces définitions et notations s’étendent aux classes totalementordonnées.
Pour deux ensembles de nombres X et Y , on désigne par ] X, Y [ , resp., [ X, Y ] , l’ensemble des nombres z tels que X < z < Y ,resp. X (cid:54) z (cid:54) Y . De même pour deux classes de nombres, X et Y . Que peut-il se passer entre deux nombres, deux ensemblesde nombres ou deux classes de nombres ?
On répondra à cesquestions dans la suite du texte !J’utilise les notations classiques pour les ensembles classiques. En par-ticulier : N ensemble des entiers naturels , Z anneau des entiers relatifs , Q corps des nombres rationnels , R corps des nombres réels.J’introduis les notations particulières suivantes : S classe des nombres , M classe des noms , O classe des ordinaux.{ (cid:35) Ne t’étonne pas : je désigne la classe des nombres par S car N pourrait prêter à confusion et que, comme tu l’as lu sans doute, Knuth a appelé surréels les nombres de
Conway .}On a étendu aux classes totalement ordonnées les notations telles X > x ou telles X < Y , de manière naturelle. On étend de même les notionsde cofinalité et de coïnitialité aux classes totalement ordonnées, commesuit. Labib Haddad
Parties cofinales et parties coïnitiales.
Soient X , Y , deux sous-classes d’une même classe totalement ordonnée. On dit que Y est cofi-nale à X lorsque, pour chaque x ∈ X , il existe un y ∈ Y tel que x (cid:54) y .On dit que les deux sous-classes, X et Y , sont cofinales lorsque, cha-cune est cofinale à l’autre [pour chaque x ∈ X , il existe un y ∈ Y tel que x (cid:54) y et, vice versa, pour chaque y ∈ Y , un x ∈ X tel que y (cid:54) x ]. Ondit que X et Y sont coïnitiales lorsqu’elles sont cofinales pour l’ordretotal (cid:62) inverse. Bien entendu, on dit que Y est coïnitiale à X lorsqu’ellelui est cofinale pour l’ordre inverse !On verra ci-dessous comment les classes O et S sont cofinales !On construit la classe S par récurrence, une récurrence transfinie. Ici, α désigne un ordinal, α ∈ O , bien entendu.À l’étape α de la récurrence, on prend pour S α l’ensemble des cou-pures dans l’ensemble totalement ordonné T α = ∪ β<α S β , réunion desensembles S β construits aux étapes précédentes, β < α . On obtientl’ensemble totalement ordonné T α +1 = T α ∪ S α comme amalgame, parle procédé déjà décrit dans le Prologue . Explications et vocabulaire.
Dans le
Prologue , on a dit commenton ordonne S α , l’ensemble des coupures, de manière naturelle, et com-ment on définit l’ordre total sur T α ∪ S α par amalgame ! Les nombresnouvellement créés à l’étape α constituent l’ensemble S α : c’est la gé-nération α . L’ensemble T α est la réunion des générations précédentes, S β pour β < α .Pour un nombre a de la génération α , on écrira g ( a ) = α , l’indicatifde sa génération. De manière imagée, pour deux nombres , a et b , ondira que a est plus vieux que b lorsque l’on a g ( a ) < g ( b ) , qu’ils ont lemême âge si g ( a ) = g ( b ) .Autrement dit, les nombres qui ont un même âge appartiennent à unemême génération S α , et les plus vieux constituent l’ensemble T α .Pour amorcer la récurrence, on part de l’ensemble vide, ∅ , dont l’uniquecoupure est ( ∅|∅ ) : c’est le premier des nombres, il est de génération ombres de Conway 7
0, autrement dit, S = { ( ∅|∅ ) } . Il y a deux coupures dans l’ensemble S : à savoir ( ∅| ( ∅|∅ )) et (( ∅|∅ ) |∅ ) . Ce sont les deux seuls nombres degénération 1. Les trois premiers nombres sont ainsi placés, d’après lesdéfinitions, dans l’ordre total suivant : ( ∅| ( ∅|∅ )) < ( ∅|∅ ) < (( ∅|∅ ) |∅ ) . On voit bien que cela finira vite par devenir illisible, si l’on n’y prendgarde ! Aussi, introduit-on des abus d’écriture : au lieu de ( ∅|∅ ) , onécrit simplement ( | ) et on pose | ) , autrement dit, on désignele premier nombre par l’entier . De même, au lieu de ( ∅| ( ∅|∅ )) et de (( ∅|∅ ) |∅ ) , on écrit ( | et (0 | ) et l’on pose − | , | ) .Les trois nombres des générations 0 et 1 sont donc − < < . Ainsi de suite ... Allons jusqu’à la génération , sans commentaires.Génération 2 : − | − , , < ( − | , < ( − , | < − , , | ) . Voici l’ensemble des trois premières générations, 0, 1, 2, et son ordretotal strict (respectant toutes les définitions) : − < − < ( | − , , < < ( − | , < < . − < − < − / < < / < < . C’est à dessein que l’on désigne ces sept premiers nombres ainsi, en lesidentifiant aux nombres entiers ou rationnels correspondants. Commeon le verra par la suite, plus bas, les ensembles classiques Z et Q s’identi-fient à leurs copies dans la classe S des nombres. On verra en particulier,après avoir défini l’addition, que l’on a bien et / / . On reprend les notations du paragraphe 2, en particulier, T α = ∪ β<α S β .L’opposé d’un nombre x est un nombre désigné par − x . On définit cettenotion par récurrence. On suppose − x défini pour tout x ∈ T α . Pourchaque partie X ⊂ T α , on pose − X = {− x : x ∈ X } . Enfin, lorsque x = ( A | B ) ∈ S α est un nombre, on prend − x = ( − B | − A ) , sachantque ( − B | − A ) est une coupure dans T α . Bien entendu, on a − puisque | ) . Ainsi, l’opposé de | ) est − | ; de mêmeque l’opposé de − , , | ) est − | − , , , conformément Labib Haddad aux notations adoptées ci-dessus. On voit assez clairement que, pourtout nombre x , on a − ( − x ) = x : tout nombre est l’opposé de sonopposé ! Remarque.
Chaque génération α est un ensemble de nombres. Parmieux, il y en a un plus grand que tous les autres, ( T α | ) , de sorte que lenombre − ( T α | ) = ( | T α ) est le plus petit de sa génération. On identifiele nombre ( T α | ) au nombre ordinal α , de sorte que O , la classe desordinaux, se présente comme une sous-classe de la classe S des nombres.Comme on l’a mentionné plus haut, ces deux classes sont cofinales !L’ensemble T α +1 des nombres de toutes les générations β (cid:54) α est ainsiune partie du segment [ − α, α ] .{ (cid:35) Ne pas confondre plus vieux qui est relatif aux générations, avecles expressions plus petit ou plus grand qui sont relatives à l’ordre !} Pour la commodié, j’introduis les notions de nom et de synonyme .On s’en servira, en particulier pour la définition de l’addition, de lamultiplication et autres opérations dans la classe S des nombres !Voici d’abord un résultat simple et utile. Lemme.
Entre deux nombres x < y d’une même génération α donnée,il y a toujours un nombre z plus vieux, c’est à dire d’une générationantérieure, β < α . Démonstration.
Soient x = ( A | B ) < y = ( C, D ) deux nombres d’unemême génération α . On a A ⊂ C ⊂ T α et A (cid:54) = C , par définition. Ilexiste donc au moins un nombre z ∈ C (cid:114) A ⊂ T α : ce z est donc d’unegénération β précédant α , autrement dit, β < α , et z ∈ B de sorte quel’on a x < z < y , d’après les définitions ! (cid:3) On étend ce résultat aux cas des ensembles de nombres,
X, Y , partiesde la classe totalement ordonnée S . On a défini l’intervalle ] X, Y [ ayant pour extrémités X, Y , comme étant la classe des nombres z telsque l’on ait X < z < Y . Bien entendu, cet intervalle peut, parfois, êtrevide. ombres de Conway 9
Théorème du nombre médiateur.
Soient
X, Y , deux ensembles denombres tels que
X < Y . Il existe au moins un nombre z pour lequelon a X < z < Y et, parmi tous ces nombres, il en existe un, et un seul,plus vieux que les autres.
On dira que c’est le nombre médiateur entre X et Y . Démonstration détaillée . On se souvient que la classe O des nombresordinaux est bien ordonnée et que g ( z ) désigne le numéro de la géné-ration du nombre z . Les g ( z ) , pour z ∈ X ∪ Y , forment un ensemble G de nombres ordinaux puisque X ∪ Y est un ensemble , de sorte qu’ilexiste des ordinaux γ tels que γ > G et parmi ceux-là un plus petitque tous les autres !Soit α le plus petit ordinal tel que l’on ait g ( z ) < α pour tout z ∈ X ∪ Y .On a ainsi X ⊂ T α et Y ⊂ T α et il existe un couple (parfois mêmeplusieurs) de parties A, B , de T α tels que l’on ait X ⊂ A , Y ⊂ B , A ∩ B = ∅ , A ∪ B = T α , de sorte que z = ( A | B ) est une coupure dans l’ensemble T α , autrementdit z est un nombre de génération α et l’on a ainsi X < z < Y , d’aprèsles définitions ! Parmi ces z , il y en a un seul plus vieux que tous lesautres, d’après le lemme ci-dessus car, s’il y en avait deux distincts ilsseraient de la même génération ! (cid:3) { (cid:35) J’ai préféré l’appellation nombre médiateur à celle de nombre in-termédiaire ! On pourrait lui donner tout autre nom qui plairait davan-tage !}
Les noms.
On dit qu’un couple donné,
X, Y , quelconque, d’ensemblesde nombres est un nom lorsque que l’on a
X < Y . Pour le noter, onutilisera le symbole { X | Y } . La notion et la notation sont semblables àcelles des coupures, mais différentes ! Insistons bien !Pour chaque nom { X | Y } , il existe toujours au moins un nombre z entre X et Y , autrement dit tel que X < z < Y et, parmi tous ces nombres,il en existe un, et un seul, plus vieux que tous les autres, le nombremédiateur : c’est le théorème du nombre médiateur.
On dira que { X | Y } est un des noms de ce nombre médiateur. D’autre part, pour chaque nombre a = ( A | B ) , le nom { A | B } est unnom de a : on dira que c’est le nom intime du nombre a lui-même. Un nombre peut avoir aussi plusieurs autres noms !
Résumons.
Soit { X | Y } un nom : on a X < Y par définition. Lenombre z = ( A | B ) a pour nom { X | Y } veut dire que z est le nombremédiateur entre X et Y . Pour cela, il faut et il suffit que les troisconditions suivantes soit satisfaites :on a X < z < Y ,pour chaque t ∈ A , il existe un x ∈ X au moins tel que x (cid:62) t ,pour chaque t ∈ B , il existe un y ∈ Y au moins tel que y (cid:54) t . On le vérifie simplement. [Il faut le refaire soi-même !] Le nombremédiateur z est le plus vieux parmi tous les nombres u pour lesquelson a X < u < Y . Autrement dit, pour chaque t ∈ A ∪ B , on a ou biennon( X < t ) ou bien non( t < Y ). Pour t ∈ A , on a déjà t < z < Y , ilfaut donc, et il suffit, que l’on ait non( X < t ). De même, pour t ∈ B ,il faut, et il suffit que l’on ait non( t < Y ). Il faut donc et il suffit que,pour t ∈ A on ait non( X < t ) et, pour t ∈ B on ait non( t < Y ). Or,non( X < t ) équivaut à ( ∃ x ∈ X )( x (cid:62) t ) , et non( t < Y ) équivaut à ( ∃ y ∈ Y )( y (cid:54) t ) . Fin de la vérificationUne condition nécessaire et suffisante.
En utilisant les notions decofinalité et de coïntialité, on peut énoncer cette caractérisation sousla forme suivante. Le nom { X | Y } désigne le nombre a = ( A | B ) si etseulement si :on a X < a < Y , X est cofinal à
A , Y est coïnitial à B. Un critère suffisant.
La condition suivante est suffisante pour qu’unnom { X | Y } soit celui du nombre a = ( A | B ) : X et A sont cofinaux , Y et B sont coïnitiaux . En effet, la condition ( A est cofinal à X ) entraîne ( X < a ) et la condi-tion ( B est coïnitial à Y ) entraîne ( a < Y ). Les synonymes.
On dira que deux noms, { A | B } et { C | D } , sont sy-nonymes lorsqu’ils désignent, tous deux, le même nombre a et on écrira { A | B } ∼ { C | D } ∼ a. ombres de Conway 11 On identifie chaque nombre à son nom intime, de sorte que la classedes nombres, S , se présente comme une sous-classe de la classe M detous les noms. La relation ∼ est une relation d’équivalence définie surla classe M . Cette relation d’équivalence induit l’identité sur la sous-classe S des nombres. Dans la classe des nombres, la synonymie n’estautre que l’identité ! Deux nombres sont synonymes si et seulement s’ilssont égaux ! ! ! Une condition suffisante pour la synonymie.
Lorsque les deuxparties,
X, U , sont cofinales et les deux parties,
Y, V , sont coïnitiales,les deux noms { X | Y } et { U | V } sont synonymes.Cela découle du critère suffisant signalé plus haut. Exemple.
Soit { X | Y } un nom. On se donne u ∈ X et v ∈ Y et onpose U = { x ∈ X : x (cid:62) u } , V = { y ∈ Y : y (cid:54) v } . Alors { U | V } est synonyme de { X | Y } . Exercice.
Soit { X | Y } un nom du nombre a = ( A | B ) . Retrouver lesparties A et B à partir des parties X et Y . Autrement dit, reconstituerle nom intime d’un nombre à partir de l’un quelconque de ses noms. { (cid:35) On le sait, il est d’usage d’étendre une opération binaire ⊥ donnéesur un ensemble E quelconque, de manière naturelle, en une opérationsur les parties de cet ensemble, en posant : X ⊥ a = { x ⊥ a : x ∈ X } , X ⊥ Y = { x ⊥ y : x ∈ X, y ∈ Y } . C’est le cas, par exemple, pour les groupes, les anneaux ou les espacesvectoriels !}On définit une addition, a + b , dans la classe S des nombres en as-sociant, à chaque couple de nombres, ( a, b ) , un nombre c et l’on écrit a + b = c . La définition se fait par récurrence. Une récurrence transfinie,laborieuse, quelle que soit la manière dont on l’aborde. Elle nécessite detrès nombreuses vérifications, fastidieuses, mais il vaut mieux les fairesoi-même, une fois au moins dans sa vie ! À l’étape α de la récurrence, l’addition est déjà définie pour tous lesnombres de T α . On poursuit alors en définissant l’addition dans l’en-semble T α +1 = T α ∪ S α .Voici le cœur de la construction.Soient { A | X } le nom intime de a et { B | Y } celui de b . On définit lasomme a + b comme étant le nombre dont { A + B | X + Y } est un nom.Autrement dit, a + b = ( A | X ) + ( B | Y ) ∼ { A + B | X + Y } .Le départ de la récurrence se fait avec la première génération, { } . Onpart de | ) de sorte que a pour nom { | } lequel est un nomde , d’où ! Explication.
On veut que l’addition satisfasse la condition suivante : ( a (cid:54) x et b (cid:54) y ) = ⇒ ( a + b (cid:54) x + y ) ! Cela éclaire la définition que l’on en donne : cette définition est, pourainsi dire, nécessaire et suffisante !Cette définition permet de voir, sans grand frais, que a = a = a + 0 ,pour tout nombre a . On voit également que a + ( − a ) a pour nom { A − B | B − A } qui est un nom de !Plus généralement, quels que soient les noms choisis { X | U } et { Y | V } pour a et b respectivement, aura : a + b ∼ { X + b, Y + a | U + b, V + a } . On montre que cette addition est commutative, associative, qu’elle estcompatible avec l’ordre total des nombres, est un élément neutre etl’on a x + ( − x ) = 0 . Autrement dit, munie de cette opération, la classedes nombres possède la structure d’un groupe totalement ordonné ,commutatif.Petit exemple : {− , | } + {− , | } = {− , − , | } qui est un nomdu nombre (0 | ) = 1 . Cela justifie les notations utilisées ci-dessus, auparagraphe 2, pour désigner les nombres des trois premières généra-tions ! ombres de Conway 13 Par un procédé semblable au précédent, on définit une multiplicationentre les nombres en associant, à chaque couple de nombres , ( a, b ) , unnombre c et l’on écrit a.b = c . On montre que cette opération est com-mutative, associative, distributive par rapport à l’addition [autrementdit, x. ( y + z ) = x.y + x.z ], que tout nombre x (cid:54) = 0 possède un inverse /x [autrement dit, x. /x = 1 ] et possède la propriété suivante : > et y > ⇒ x.y > , pour tous x, y. En résumé, cela revient à dire que la classe des nombres mu-nie de l’ordre total, de l’addition et de la mutiplication ainsidéfinies vérifie les axiomes des corps ordonnés : la définition estdonnée, ci-dessus, dans le
Prologue . Préparation.
À certains nombres dans la classe S , on peut donnerdes noms particuliers, caratéristiques. Par exemple, soit a = ( A | B ) un nombre strictement positif, a > , d’une génération α donnée. Enprenant X = A ∩ ]0 , a [ , on a B > a > X > où X et A sont cofinaux[comme on peut le vérifier], de sorte que { X | B } est encore un nom de a .Tout nombre strictement positif a > possède ainsi des noms { X | Y } pour lesquels on a Y > a > X > . Ce sont des noms caractéristiques des nombres strictement positifs. Cum grano salis , on pourra les appelerdes dextronomes . Esquisse du procédé.
Cette fois, j’omets beaucoup de détails et lesvérifications longues et fastidieuses, pourtant sans grand détour. Il vautmieux que l’on entre soi-même dans ces détails pour les démêler et faireles vérifications nécessaires. Voici quelques indications.On commence par définir .x = x. , pour tout nombre x . Puis ondéfinit le produit pour les nombres strictement positifs, par récurrence.On complète enfin la définition en prenant x. ( − y ) = − x.y . On supposele produit x.y déjà défini pour tous x > et y > pris dans T α , avec lespropriétés voulues. Pour toutes parties X et Y de T α telles que X > et Y > , on pose : X.Y = { x.y : x ∈ X, y ∈ Y } . C’est un ensemble de nombres strictement positifs. On utilise des dex-tronomes { X | U } de a et { Y | V } de b . On définit le produit a.b commeétant le nombre qui a pour nom { X.Y | U.V } . Autrement dit, a.b ∼ { X.Y | U.V } . On vérifie que ce produit dépend seulement de a et de b , pas du choixde leurs dextronomes.Comme on peut le vérifier également, l’inverse /a de a > , possèdeun nom { E | F } où E = { z > z.A < } et F = { z > z.B > } .Ainsi de suite ... J’omets le reste. Fin de l’esquisse.
Tu trouve, ci-dessous, une copie de la page 11 du livre de
Conway , On numbers and games (la référence se trouve plus bas, à la fin de malettre). C’est un dessin qui représente le haut de l’arbre généalogique des nombres selon
Conway . ombres de Conway 15 On y voit, en particulier, comment un nombre donné quelconque, d’unegénération α possède deux successeurs dans la génération α + 1 sui-vante : l’un à droite et l’autre à gauche. Par exemple, les deux succes-seurs du nombre sont +1 et − . De même, ceux de sont et ,lequel est ici désigné à l’anglo-saxonne !{ (cid:35) Pour Conway chaque nombre possède un birthday , le jour où il estné . Conway utilise ainsi l’expression x was born on day α là ou je dis x est de la génération α .}Voici quelques explications supplémentaires.Soit x = ( A | B ) un nombre d’une génération donnée γ > . Pour chaqueordinal α < γ , posons A α = T α ∩ A et B α = T α ∩ B . Ainsi x α = ( A α | B α ) est une coupure dans T α : c’est un nombre de la génération α . Cela estclair. Pour α = 0 , on a x = 0 , bien entendu.On obtient la suite s γ ( x ) = ( x α ) (cid:54) α<γ de nombres, indexée par lesordinaux α < γ . Il est commode de dire que, pour un β donné, x β est l’ascendant de x dans la génération β , et que x est l’un desdescendants de x β dans la génération α .Il convient d’appeler la suite s γ ( x ) l’ascendance de x ou encore laliste des ascendants de x . Il est clair que l’ascendance de x α n’estautre que la suite ( x β ) β<α . Le descendant x α +1 de x α est, pour ainsidire, engendré par x α . La relation père | enfant. Soient x = ( A | B ) et y = ( C | D ) deuxnombres des générations α et α + 1 , respectivement. Si x est un as-cendant de y , on peut dire, de manière imagée, que x est le père de y , ou sa mère, si l’on y tient ! De même, lorsque y est un descendantde x , on dira que y est l’un des enfants de x . Précisons davantage larelation père | enfant .Ne l’oublions pas, x = ( A | B ) est une coupure dans T α et x appartientainsi à S α . D’autre part, y = ( C | D ) est une coupure dans l’ensemble T α +1 = T α ∪ S α . Or, y est un enfant de x si et seulement si la coupure ( A | B ) est la trace de la coupure ( C | D ) sur T α , par définiton ! S’il en estainsi, puisque x appartient à S α ⊂ T α +1 , il n’y a que deux possibilité :on bien x est le plus grand élément de l’ensemble C et on aura x < y ;ou bien il est le plus petit élément de l’ensemble D et on aura y < x . Ainsi, un nombre x quelconque engendre toujours deux enfants, etseulement deux, disons x − et x + , et l’on a x − < x < x + . Pour x = 0 ,ces deux enfants sont − et +1 .Dans cet arbre, on appelle lignée toute une suite de nombres x α indexéspar les ordinaux α (cid:62) , où x α +1 est l’un des deux descendants directsde x α .Par exemple, sur le côté droit de l’arbre, figure la lignée des nombresordinaux, , , . . . , ω, ω + 1 , . . . , ω. , . . . .Soient A et B deux sous-classes de la classe S des nombres telles quel’on ait A < B et S = A ∪ B . C’est une coupure dans la classe S , unecoupure énorme, une sorte de faille ! Cette faille délimite une sorte delignée transfinie ( x α ) α ∈ O où x α = ( A α | B α ) , A α = T α ∩ A et B α = T α ∩ B . Exercice.
Chercher la faille qui délimite la lignée des ordinaux ! ! !
Ce sont les premières générations, S , S , S , . . . , S n , . . . , indéxées parles entiers naturels, autrement dit, les ordinaux finis , , , . . . , n, . . . .La génération S n est une partie de l’intervalle [ − n, n ] . On a | S n | = 2 n .Autrement dit, il y a , , , . . . , n , . . . nombres, respectivement, dansles générations S , S , S , . . . , S n , · · · . Leur réunion est T ω = ∪ n ∈ N S n .On a Z ⊂ T ω . Plus précisément, T ω est l’anneau des nombres dya-diques : T ω = (cid:26) k h : k ∈ Z , h ∈ N (cid:27) = D . Cela se vérifie simplement, sans détour, sachant que Z est une partiede T ω . Si a ∈ T ω , sa moitié a/ appartient aussi à T ω . Les nombres réels.
Pour les besoins de la cause, on distingue parmiles nombres dyadiques, l’ensemble suivant : D = { / n : n ∈ N } . On dit que a est un nombre réel lorsqu’il existe un entier naturel n telque − n (cid:54) a (cid:54) n et que le nom suivant est celui de a : { a − D | a + D } ∼ a. ombres de Conway 17 On montre que l’ensemble des nombres réels ainsi défini est une copiedans S du corps R des nombres réels, classique ! Tout nombre peut être représenté sous la forme d’une série transfinie,sa forme normale . Cela rend ces nombres plus intelligibles . Pour cela,on introduit les notions suivantes.
Les ordres de grandeur.
Comme dans tout corps ordonné, on définitla valeur absolue | a | de a comme suit : | a | = a si a (cid:62) , | a | = − a si a (cid:54) . Pour les questions de comparaison des nombres, on s’en tient aux va-leurs absolues. On peut ainsi se limiter à la classe S + = { a : a (cid:62) } desnombres positifs.Soient a, b , deux nombres dans S + . On dit que a et b sont commen-surables lorsqu’il existe un entier n tel que a (cid:54) nb et un entier m telque b (cid:54) ma . C’est une relation d’équivalence. Les classes d’équivalencecorrespondantes sont appelées les ordres de grandeur du corps or-donné. On dit que a et b sont de même ordre de grandeur lorsqu’ilssont commensurables. On écrit a << b lorsque, pour tout n ∈ N , ona na < b , et on dit que b est d’un ordre de grandeur supérieur à celuide a . Ainsi, entre deux nombres a et b , une et une seule des relationssuivantes tient : ou bien a << b ou bien b << a ou bien a et b sontcommensurables.Les ordres de grandeur sont des intervalles, dans le sens suivant : si a < b sont commensurables, tout l’intervalle [ a, b ] est contenu dans lemême ordre de grandeur que a et b ! Exponentielle.
On associe, à chaque nombre a , un nombre ω a , son exponentielle . Cela se fait par récurrence. Comme d’habitude, pourchaque ensemble X de nombres, on pose ω X = { ω x : x ∈ X } . Pour un nombre a = ( X | Y ) de génération α , on pose E = { } ∪ N .ω X , F = D .ω Y . On prend pour ω a le nombre qui a pour nom { E | F } : ω a ∼ { E | F } . On montre que l’on a ω a > ω = 1 ω a + b = ω a .ω b ω − a = 1 /ω a a < b ⇐⇒ ω a << ω b Pour tout ordinal α ∈ O , l’exponentielle ω α coïncide avec le nombreordinal ω α .On établit aussi les deux résultats suivants. J’omets les démonstrations. Lemme.
Pour chaque nombre x > , il existe un seul nombre y telque x soit commensurable à ω y . De plus, ω y est plus vieux ou aussi âgéque x .Plus précisément, le nombre ω y est le plus vieux parmi tous les nombresqui ont le même ordre de grandeur que x . Théorème.
Tout nombre a possède une représentation sous la formed’une somme formelle a = (cid:88) α<β ω y α .r α , où β est un ordinal, ( y α ) α<β une suite strictement décroissante denombres, et ( r α ) α<β une suite de nombres réels non nuls .Cette représentation, appelée forme normale , est unique. Lorsquele nombre a est un ordinal, cette représentation coïncide avec la formenormale de Cantor pour les ordinaux !On pourrait fonder toute la théorie des nombres de Conway sur cettereprésentation. Ce ne serait pas la manière la moins attrayante.Les trois ordres de grandeur les plus familiers aux analystes sont ω − << ω = 1 << ω. < ω − < /n (cid:54) (cid:54) n < ω, pour tout n ∈ N ∗ . En effet, ω = 1 est l’ordre de grandeur des nombres réels. Tandisque le nombre ω − est un infiniment petit du premier ordre et ω est le ombres de Conway 19 premier entier infiniment grand. C’est un peu le langage que l’on utiliseen analyse nonstandard de Robinson, c’est à dire la théorie rénovée desinfinitésmaux.L’un des points culminants de la théorie des nombres de Conway est lerésultat déjà signalé ci-dessus selon lequel la classe S des nombres, [uneclasse propre, qui n’est pas un ensemble] possède les propriétés d’uncorps ordonné réellement clos lequel renferme une copie de chacun descorps ordonnés qui sont des ensembles.Plutôt que d’aller voir la démonstration dans l’un des nombreux textesoù elle figure, on peut s’essayer à la faire soi-même ! Réussir serait lameilleure preuve que l’on a bien compris ! ! ! Epilogue
Pour en savoir davantage, on peut se reporter aux deux ouvragessuivants faciles à trouver.
Norman L. ALLING , Foundations of analysis over surreal numberfields, Mathematics Studies 141, xvi + 373 pp., North Holland, 1987.
J. H. CONWAY , On numbers and games, ix + 230 pp., AcademicPress Inc. 1976, reprinted 1979.La notion introduite par Conway, ses nombres, a reçu un très bonaccueil, un peu dithyrambique, parfois. Cependant, depuis longtempson sait que tout ce qui est excessif est insignifiant , comme le disaitTalleyrand.À l’époque, Conway était déjà bien connu, et apprécié. C’est DonaldKnuth qui a donné le nom de nombres surréels pour désigner les nombresde Conway. Il a écrit une petite fable, une romance mathématique, ra-contant l’histoire de deux jeunes gens, Alice et Bill, qui découvrent lapierre gravée [une sorte de pierre de Rosette] qui mène à la créationde ces nombres. Cette histoire est bien connue.Conway introduisait ses nombres avec un minimum d’axiomes et dedéfinitions que les contemporains avaient beaucoup appréciés. Pourl’illustrer, on trouvera dans les
Annexes ci-dessous, trois pages de son livre qui semblent tout résumer. La plupart de ses exégètes lui ontemboité le pas et de nombreux auteurs, pour introduire les nombres deConway, se servent encore de cette manière cursive et pas très aisée,presque sibylline !Mais l’histoire ne s’arrête pas là. On apprend, dans le livre de Alling,que Conway a un précurseur, Norberto Cuesta (1907-1989). En effet,dans un article de 1954, ce dernier, grand admirateur de Sierpinski,construisait déjà les nombres de Conway, avant la lettre, dans l’articlesuivant :
N. CUESTA , Algebra ordinal , Revista de la Real Academia De Cien-cias Exactas, Fisicas Y Naturales, n o Conway est synthétique,celle de
Cuesta analytique !Qu’a bien pu dire
Conway en apprenant cette coïncidence ! Qu’a bienpu dire
Cuesta Dutari lui-même ! On aimerait bien le savoir. Maison ne le saura probablement jamais ! Il y a peut-être eu des proposéchangés ou notés, quelque part, on ne sait où. Pourvu que la poussièredes siécles ne les recouvrent pas !Par un curieux hasard, ou une étrange coïncidence, je viens de faire laconnaissance, à travers la toile, d’un collègue mathématicien,
RicardoPérez-Marco , qui a pu serrer la main de
Cuesta dans les rues deSalamanque, quand il était jeune. Je trouve cela émouvant ! ombres de Conway 21
Cher Ami,Je sais déjà que tu ne liras pas cette lettre de bout en bout ; je devineque non ! Il n’empêche, j’y ai mis l’essentiel de ce qu’il faut savoir pourcomprendre ce que sont les nombres surréels de
Conway , et c’est long !Je te rappelle le célèbre adage de
Erdös : «Tout le monde écrit, per-sonne ne lit !»Pourtant, si long soit-il, comme l’Iliade ou l’Odyssée, je crois que l’onpeut lire un beau poème jusqu’au bout, et même plusieurs fois de suite !Mais qui a jamais vraiment déjà été jusqu’au bout d’un texte mathé-matique ... C’est très rare ! Il y faut une attention soutenue, une grandepatience et une envie irrépressible, irrésistible ! Jamais, pour ainsi dire...Je t’ai aussi préparé une liste de lectures, si jamais tu en as l’envie.
Pour en savoir plus
Voici d’abord deux livres importants sur le sujet :
John Horton Conway , On numbers and games , Academic Press,(1976), reprinted with corrections 1977, reprinted 1979, ix + 238 pp.
Norman L. Alling , Foundations of analysis over surreal numberfields , North-Holland Mathematics Studies, (1987) , xvi + 373 pp.Puis une liste plus fournie.[ 1 ]
Norman L. ALLING , Conway’s field of surreal numbers ,Trans.A.M.S.,287 n o Norman L. ALLING , Foundations of analysis over surreal num-ber fields, Mathematics Studies 141, xvi + 373 pp., North Holland,1987.[ 3 ]
Elwyn R. BERELKAMP, John H. CONWAY, Richard K.GUY , Winning ways for your mathematical plays , vol. 1, Second edi-tion, xix, p. 1-276, A K Peters, Wellesley, Massachusetts, 2001. [ 4 ]
Elwyn R. BERELKAMP, John H. CONWAY, Richard K.GUY , Winning ways for your mathematical plays , vol. 2, Second edi-tion, xviii, p. 277-473, A K Peters, Wellesley, Massachusetts, 2003.[ 5 ]
Elwyn R. BERELKAMP, John H. CONWAY, Richard K.GUY , Winning ways for your mathematical plays , vol. 3, Second edi-tion, xxi, p. 461-801, A K Peters, Wellesley, Massachusetts, 2003.[ 6 ]
Elwyn R. BERELKAMP, John H. CONWAY, Richard K.GUY , Winning ways for your mathematical plays , vol. 4, Second edi-tion, xvi, p. 801-1004, A K Peters, Wellesley, Massachusetts, 2004.[ 7 ]
J. H. CONWAY , On numbers and games, ix + 230 pp., AcademicPress Inc. 1976, reprinted 1979.[ 8 ]
J. H. CONWAY , All games bright and beautiful , Amer.Math. Monthly, , n o Philip EHRLICH , The absolute arithmetic continuum and theunification of all numbers great and small , The Bulletin of SymbolicLogic, n o Harry GONSHOR , An introduction to the theory of surrealnumbers , London Mathematical Society Note Series 110, 192 pp., Cam-bridge University Press, digitally printed version 2008.[ 11 ] D.E. KNUTH,
Les nombres surréels , ou comment deux anciensétudiants découvrirent les mathématiques pures et vécurent heureux.Une romance mathématique de D. E. Knuth, Traduction : Daniel E.Loeb et Hélène Loeb, Original 1974 - Addison Wesley Publishing Com-pany, Traduction March 2, 1997- Loeb, 77 pp.[ 12 ] José M. PACHECO,
The Spanish mathematician Norberto Cuestarecovered from oblivion , Preprint, 11 December 2014.[ 13 ]
José M. PACHECO , The life and mathematics of NorbertoCuesta (1907-1989)
14 October 2016.[ 14 ]
Simon RUBINSTEIN-SALZEDO, Ashvin SWAMINATHAN , Analysis on surreal numbers , arXiv:1307.7392v3 , 19 May 2015. ombres de Conway 23 [ 15 ] Dierk SCHLEICHER, Michael STOLL , An introduction teConway’s games and numbers , arXiv:0410026v2 , 30 Sep 2005.[ 16 ] Claus TØNDERING , Surreal numbers - An introduction , Ver-sion 1.7, 31 January 2019.[ 17 ]
Nombre surréel , WikipediA, 16 avril 2020 à 11 :40.https ://fr.wikipedia.org/w/index.php ?title=Nombre surréel&oldid=169620524.[ 18 ]
Surreal number , WikipediA, 22 April 2020, , at 08 :43 (UTC).https ://en.wikipedia.org/w/index.php ?title=Surreal number&oldid=952449475[ 19 ] BookReview in Bull. A. M. S., n o AviezriS. FRAENKEL , on
Conway and
Knuth .[ 20 ] MR886475, Márki/Alling.[ 21 ] MR101844, on
Cuesta Dutari .[ 22 ] MR103838,103839, on
Cuesta Dutari .[ 23 ] zbMATH 0086.04301, on Cuesta Dutari.[ 24 ] zbMATH 0621.12001, on Alling.[ 25 ]
Sur un article de 1954 signé N. Cuesta : une traduction, arXiv:2101.05805v1 , 15 Jan 2021.
Une dernière digression
De nos jours, même si cela n’est pas très fréquent, il n’est pas rare devoir éclore une même idée mathématique, en plusieurs pays différents,quasi simultanément. Le plagiat, très vilaine chose, une fois exclus, jepense que cela s’explique simplement de la manière suivante, avec latransmission orale ! Plusieurs personnes assistent, en même temps, enun même lieu, à un exposé remarquable. Ils sont impressionnés et, unefois rentrés chez eux, ils leur vient la même idée ou presque ! Il n’enfaut pas davantage. Ce phénomène, en synchronie, existe aussi dans la diachronie, avec la transmission écrite, bien entendu, plus rarementsans doute !Enfin, et pour terminer, je te signale que notre collègue, et ami, deLyon,
Jean-Claude Carrega que je dois remercier bien vivementici, ayant lu le brouillon de cette lettre m’a donné un conseil avisé etm’a encouragé à la faire publier.Bien à toi.Labib
Annexes
Dans ces Annexes, deux items.Les pages 4 à 6 du livre de Conway.La reproduction de la couverture du numéro de la Revista qui contientl’article de Cuesta. ombres de Conway 256 Labib Haddadombres de Conway 278 Labib Haddad
120 rue de Charonne, 75011 Paris, France
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