Lori Saint-Martin

Masculin/féminin chez les romanciers québécois contemporains : l’idée de différence entre maintien et renouvellement

L’ordre patriarcal repose sur l’idée d’une différence sexuelle ontologique, fondée sur une « idée de nature » (Guillaumin) et ancrée dans des corps sexués censés déterminer à leur tour le caractère, les aptitudes, les intérêts et les rôles sociaux hommes-femmes ainsi que les valeurs symboliques liées au masculin et au féminin (corps-esprit public-privé). Tandis qu’une grande partie de la pensée féministe (Beauvoir, Millett, Guillaumin, Delphy) conteste cette vision des choses et que les savoirs renouvelés (Fausto-Sterling, Vidal et Benoit-Browaeys) sur l’identité de sexe/genre tendent à anéantir l’idée même de Différence, certains textes littéraires véhiculent toujours des conceptions selon lesquelles cette différence serait irréductible. Or, les textes littéraires ne font pas que représenter le monde, ils participent à sa production (de Lauretis); cela vaut pour les identités sexuées, qu’ils modélisent par des exemples, des contreexemples, des sanctions (le mariage pour les héroı̈nes conformes et la mort pour les autres), des associations de valeurs, etc. Comme le roman est l’un des lieux « où se tapit l’idéologie », il peut être aussi un véhicule privilégié pour la repenser, voire pour la contester (DuPlessis). Par ailleurs, on sait que, au Québec, nombre de femmes ont, depuis les années 1970, mis à mal l’idée d’essence et de Différence. Mais que nous disent les textes littéraires contemporains écrits par les hommes sur leurs conceptions de l’identité de sexe/genre? Ceux-ci produisent-ils des identités traditionnelles et patriarcales, ou des modèles renouvelés, plus en phase avec l’idéologie