Sandro Cattacin

La nouvelle seconde génération. Introduction au numéro spécial

Le lecteur tient dans ses mains le premier numéro spécial de la Revue suisse de sociologie sur les enfants de migrants en Suisse, à presque soixante-dix ans du premier accord sur la migration que la Suisse a signé avec un Etat tiers, à savoir l’Italie (1948). En Suisse, la migration à l’enseigne du modèle du Fremdarbeiter (ou Gastarbeiter, comme on disait en Allemagne) marque les Trente glorieuses et empêche efficacement l’installation durable des arrivants (Wanner 2014). Ainsi, les premiers travaux sur les enfants de migrants et notamment sur leur présence dans l’école suisse datent des années 1970, qui ont vu émerger les familles étrangères aux origines notamment italiennes et espagnoles (avec les travaux pionniers de la sociologie zurichoise autour de Hans-Joachim Hoffmann-Nowotny sur la famille ; voir par exemple Hoffmann-Nowotny 1973 ou Wilpert 1980). Mais une confrontation systématique n’arrive que dans les années 1980 suite à des discussions politiques sur l’avenir, mais aussi sur la dangerosité sociale, de la deuxième génération (CFE 1980) qu’on soupçonne d’ailleurs particulièrement engagée dans les mouvements urbains des années 1980. Gita Steiner Khamsi pose ainsi la question politique, dans un essai de 1985 qui résume les questionnements et les peurs présents dans cette période en Suisse (seulement) : la deuxième génération (comme d’ailleurs dans d’autres pays européens) est-elle une bombe sociale ? (Steiner-Khamsi 1985). Les études se succèdent dans les années 1980 et 1990 avec comme thèmes notamment la performance scolaire et la mobilité sociale (CFE 1980 ; Gonvers et al. 1980 ; Gretler et al. 1981 ; Gurny et al. 1984 ; Fibbi et De Rham 1988) et la criminalité (Killias 1989). Le thème de l’identité s’ajoute (et s’impose) à partir des années 2000 comme l’atteste la production scientifique sur l’inscription des descendants de migrants dans la société suisse : citons à titre d’exemple les travaux de Hämmig (2000), Bolzman et al. (2003), Juhasz et Mey (2003), Bauer et Riphahn (2004), Wessendorf (2005) et Frauenfelder (2006).